Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/289

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Mais, mon ami, conseille-moi ; que vais-je dire ? que vais-je faire ? Gédéon m’a confié sa cause, j’ai promis d’être son avocat, et il mérite plus que moi la reconnaissance, puisqu’il offre un sort mille fois plus heureux que mon humble médiocrité. Que pensera-t-il de moi quand je vais lui apprendre… car il faut que je le lui dise ou que je le trahisse, et trahir m’est impossible ? Il m’est impossible aussi de revoir mademoiselle Vallier sans changer de rôle et sans lui laisser voir que je déteste l’idée de son mariage avec un autre que moi. — Ne pas la revoir, m’éloigner, attendre qu’elle ait ôté toute espérance à Gédéon serait le plus sage ; mais si en mon absence elle allait se mettre à l’aimer ? Cette pensée me rend fou, et je ne me reconnais plus. Je suis même un peu honteux de moi, car je me sens dominé par l’ennemi que je bravais, et l’amour me révèle des agitations qui sont peut-être indignes d’un esprit sérieux. Me voilà inquiet, ombrageux, sans sommeil, sans repos, sans volonté, et tout à coup emporté par un vouloir âpre, aveugle et jaloux, prêt à mal agir plutôt que de renoncer à mon but, et capable de passer par-dessus des scrupules de conscience qui ne me paraissent rien aujourd’hui après m’avoir rendu héroïque jusqu’à présent. Ce que c’est que l’espérance ! C’est donc la tentation, c’est donc le mal ? J’ai ouvert mon cœur à mon vieux ami Sylvestre. Il est tout surpris, tout bouleversé. Il ne m’a pas dit un mot de blâme ; il m’a demandé le temps de la réflexion, deux ou trois jours ! J’ai promis, mais pourrai-je tenir ma promesse ? Comment ! la Tilleraie est à un quart d’heure de chemin. J’y vais tous les jours, et je n’irai pas aujourd’hui, ni demain ! Et pendant que j’attendrai ici follement le conseil d’un vieillard