Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/30

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

digne ; mais il faut que j’en coure toutes les chances et que je les accepte dès le point de départ.

Eh bien, le voyage d’exploration à travers la littérature m’a toujours séduit et attiré. Je ne suis plus de ces enfants qui rêvent la gloire et que le besoin d’un nom dévore. Bien au contraire, faire parler de soi est à mes yeux le malheur de la chose, l’épine du chemin, et, si j’étais sûr d’avoir beaucoup de succès, je garderais peut-être un strict anonyme. Ce qui me tente, c’est cette indépendance de la pensée qui peut toucher à tout, cette variété de sujets qu’un peu de talent peut rendre malléables, ce contact sans entraves avec la vérité, cette libre recherche du réel dans l’idéal, ou de l’idéal dans le réel, selon la tendance et la nature de l’esprit qui s’y porte. Plus j’y ai songé, plus j’ai trouvé que c’était là le plus agréable emploi des facultés humaines et un véritable sybaritisme de l’intelligence. Une telle ambition venait naturellement à un garçon assez gâté sous le rapport du bien-être, pouvant attendre son heure et se permettre de tâter le public par les essais les plus humbles et les plus frivoles. Tout en me ménageant de la sorte, je me suis néanmoins un peu enrichi au dedans, me disant toujours que je me lancerais franchement le plus tard possible. Il n’y a plus à tarder ; mûr ou non, il faut que le fruit tombe et aille au marché. C’est là, diras-tu, le côté triste ; mais pourquoi ne serait-ce pas le coté gai ? Je n’ai, en fait de profit, que l’ambition du strict nécessaire, et il me semble que je porte en moi de quoi conquérir le superflu. Je peux me tromper : qu’importe ? J’ai beaucoup d’orgueil et pas du tout de vanité. Si je suis un fruit sec littéraire, si je ne fais pas mieux le drame, la critique ou le roman