Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/339

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m’aime, elle est là, elle sera là toujours, et toujours occupée de moi ! La nuit nous séparait, elle va maintenant dormir sous mon toit en attendant qu’elle dorme sur mon cœur. Je la verrai dès le matin, épiant mon réveil, passant sa main fraîche sur mon front humide, lisant dans mes yeux le bonheur de revivre ! Elle travaillera près de moi et avec moi ! Nous dirons toute la journée que nous nous aimons sans lasser la patience de notre vieux ami, cet ange de tendresse qui nous bénit d’un éternel sourire, et dont la présence sanctifie encore en nous ce qui est la sainteté même ! Et je suis encore calme comme si je n’avais qu’à me laisser porter sur un fleuve de lait. Les orages que j’ai traversés sont comme des fantômes évanouis. La mort m’a donné un froid baiser en me disant : « Je suis la langueur de la volupté, et je te brise pour que tu savoures l’attente au lieu de dévorer le présent. » Cher ami, si tu voyais comme je suis aimé ! Mais tu l’as vu, tu le sais, et tu sais par qui ! N’est-ce pas qu’elle est la seule femme belle, la seule douce et forte, la seule intelligente et modeste, la seule qui sache aimer ? Il y a en elle quelque chose qui me frappe comme une découverte et qui m’ouvre un monde nouveau. C’est la vaillance de son caractère. Elle m’enseigne à toute heure et sans le savoir une raison pratique que je cherchais dans de vains et continuels raisonnements. Elle a une organisation sage, et possède l’énergie sans effort, comme on possède la santé et la vie. Je m’étonnais de cela hier avec l’ermite.

— Comprenez-vous, lui disais-je, un être humain qui ne se plaint jamais et qui ne paraît jamais souffrir ?

L’ermite m’a répondu quelque chose dont j’ai été