Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/59

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tout casser, mais elle a le rire amer. Enfin elle m’a été antipathique à première vue, et je crois qu’elle m’eût assassiné pour mettre ma tête dans un sac. Mon oncle n’a jamais pu me pardonner de ne vouloir pas finir comme Holopherne. C’est de ce moment que nos rapports sont devenus presque impossibles. Ils étaient difficiles déjà depuis sa première tentative matrimoniale à mon endroit, car il y en a eu trois. Je t’ai parlé d’une blonde, mais je t’en ai peu parlé, ne l’ayant vue qu’un instant. Je ne sais si celle-là m’eût menacé de quelque chose de tragique comme la brune, mais je crois bien que son alliance m’eût menacé de quelque chose de honteux comme celle de la rousse. Toutefois il ne me reste d’elle qu’un souvenir comique, et, puisque je n’ai rien à te dire de nouveau sur le présent, je vais te promener un moment avec moi dans le passé.

C’est, tu ne t’en souviens peut-être pas, quelques jours après ton départ définitif pour l’Auvergne. Je venais d’être reçu bachelier es sciences, j’avais à peine quinze poils de barbe au menton, quand mon oncle me dit un soir :

— Sais-tu que te voilà un homme et que je pense à t’établir ? Il faut te marier, mon garçon, j’ai une femme pour toi.

Je sautai sur ma chaise.

— Je suis trop jeune, mon oncle !

— Oui, tu es un peu jeune ; mais il y a des occasions qu’on ne rencontre pas deux fois en sa vie, et je tiens cette occasion-là. Tu connais M. Aubry ?

— Non, mon oncle.

— Comment, M. Célestin Aubry, qui a vendu de si