Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/68

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Moi, je l’ai toujours ignoré, et je crois que, comme il n’a engagé que ses fonds dans ces sortes d’affaires, il a pu ne jamais s’en vanter à personne.

Tu me demanderas comment je découvre cela ici, quand j’ai vécu vingt ans près de lui sans m’en douter.

J’avais emporté quelques cartons où j’avais jeté pêle-mêle mes papiers et mes lettres en quittant sa maison. J’ignore absolument comment une lettre ouverte, perdue sans doute par lui, ramassée par un domestique et placée dans ma chambre par erreur, s’est glissée dans un de mes cartons ; mais je viens de l’y trouver et de la lire avant de songer à regarder l’adresse. J’étais bien surpris d’avoir un reliquat de compte à mon profit dans la maison *** et Ce, et je me demandais d’où me tombait cette bonne fortune, quand j’ai compris qu’il s’agissait de conscrits et de remplaçants, et que les bénéfices de mon oncle dans l’association avaient été assez beaux pour constituer en grande partie la fortune qu’il comptait me laisser. Je comprends à présent combien mes scrupules ont dû lui sembler blessants, et combien de fois j’ai dû sans le savoir, froisser sa personnalité. Il aura cru que je savais quelque chose, et que je me permettais sur les fortunes mal acquises des sarcasmes et des reproches à son adresse. Pauvre homme ! j’ai dû le faire souffrir et lui sembler odieusement cruel !… Comment lui faire savoir que je suis innocent sans lui parler de ce passé qui l’oppresse peut-être ? Une juste réprobation flétrit une industrie qui spéculait sur la vie des hommes et sur les douleurs de la famille. La source du bien-être de mon oncle n’est donc guère plus pure que celle des opérations de M. Aubry et de mademoiselle Irène ; mais, à