Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

verre de cidre ; j’en ai une feuillette. C’est un cadeau qu’on m’a fait, et, si vous avez froid, j’ai du bois aussi ; mon propriétaire m’a permis de ramasser les branches mortes dans la clairière. Il m’en faut peu. Je ne suis pas frileux, d’habitude ! Je ne brûle un fagot que pour faire cuire mon dîner. Voulez-vous goûter ma cuisine, l’anguille d’hier ?

J’y goûtai par curiosité. C’était cuit à l’eau, sans beurre, presque sans sel, avec quelques herbes sauvages, et c’était franchement détestable. Le cidre grattait le gosier comme une râpe.

Le local se compose de deux chambres superposées, en bas la cuisine, en haut la chambre à coucher ; les quatre murs tout nus, une armoire, une toilette, une grande table pour écrire, une petite table pour manger, un lit sans rideaux, le tout en fer ou en bois blanc et d’une simplicité primitive ; dans l’armoire, un vêtement de rechange, trois paires de draps, six chemises, enfin le strict nécessaire pour conjurer la malpropreté. Tout était propre cependant, balayé, nettoyé jusque dans le moindre coin, et ce vieillard n’a pas de servante, il vit là tout seul, il fait tout lui-même, il blanchit et il raccommode ! Il a un chien, deux poules et trois pigeons pour toute société.

— Monsieur, je ne m’ennuie jamais. J’ai toujours quelque chose à faire, comme tout homme qui doit suffire seul à sa propre existence. Le matin, je nettoie, je balaye, je lave, je fais avec mon chien la chasse aux rats et aux souris. Nous n’en voulons point souffrir chez nous, parce que ces êtres-là, quand on leur permet la moindre chose, abusent tout de suite et pullulent follement. Chacun chez soi, n’est-ce pas ? Dans le jour, je pêche, je ramasse mes herbes, ou je chasse