Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/82

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— Tout cela me paraît merveilleusement arrangé, lui dis-je, et tout ce que vous dites me confirme dans l’opinion que vous regardez le bonheur comme la satisfaction de vos goûts. D’où vient qu’hier vous me disiez le contraire ?

— Hier, je vous disais la vérité. Il est très-rationnel et très-permis de chercher la satisfaction de nos goûts, et cela peut contribuer au bonheur ; mais le bonheur est quelque chose en dehors de tout cela.

— Pourriez-vous définir ce quelque chose ? Vous me rendriez une immense service.

— Mon cher enfant, on peut se le définir à soi-même quand on y croit, mais difficilement le démontrer à qui n’y croit pas. Quelle est votre opinion, à vous ?

— Je crois que c’est pour l’homme une aspiration jamais assouvie, un idéal permanent avec une réalité passagère et relative.

— Vous avez parfaitement raison. À l’heure où nous vivons, c’est comme cela. Nous ne pouvons pas espérer davantage dans l’état de notre société, de nos mœurs et de nos lumières ; mais vous avez tort, si vous croyez que votre définition représente autre chose qu’une vérité transitoire et relative.

— Parlez, monsieur, je vous écoute avec beaucoup d’attention, je vous jure.

— Je pourrais vous donner beaucoup de définitions qui ne seraient pas plus complètes que la vôtre ; vous dire, par exemple, que le bonheur est dans le libre développement de toutes nos facultés, ou dans la pratique de la vertu, dans le sacrifice, ou dans l’accomplissement du devoir. Eh bien, tout cela, ce sont des éléments de bonheur, et un critique éminent avait rai-