Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/95

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— On a raison, dit-il, de se moquer des orgueilleux et de se méfier des ambitieux ; mais il ne faudrait pas regarder comme tels tous ceux qui demandent avec impatience le règne de la vérité. Tenez, moi qui vis tout seul par besoin et par goût, moi qui ne me laisserais pas imposer la promiscuité d’une association forcée, je ne vois pourtant pas de progrès réel pour le genre humain hors de l’idée d’association. Je n’ai pas de système à présenter. Je m’amuse à en faire quelquefois, mais ils ne verront jamais le jour. Les panacées auxquelles personne ne croit sont nuisibles parce qu’elles sont ridicules. Aucun de nous, d’ailleurs, ne peut prévoir la forme qui conviendra à l’association le jour où elle sera décrétée par le consentement unanime ; ce jour fût-il proche, demain est déjà l’inconnu pour l’homme d’aujourd’hui. Je ne suis donc point pour les cités bâties sur les nuages ; mais je dis d’une façon générale que tous nos maux ont un remède, parce que ces maux viennent du scepticisme et de l’apathie. Puisque la France paraît aimer les dictateurs, je ne vois pas pourquoi une minorité avancée ne serait pas représentée par un groupe d’hommes, par un seul homme, si vous voulez, qui s’appuierait sur elle pour lancer en avant cette roue toujours embourbée du progrès. L’initiation n’est pas la persécution, et avec votre respect exagéré pour la liberté individuelle il suffirait de la protestation de quelques imbéciles pour empêcher l’univers de marcher. Je ne veux pas parler du temps présent, ajouta-t-il, ce serait tomber dans la discussion politique, qui ne mène à rien parce qu’elle ne voit que le moment présent ; mais je vous dis que nous devrions tous être socialistes comme je l’entends, c’est-à-dire résolus à