Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/105

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— Je n’ai et n’aurai probablement jamais rien, mademoiselle, répondit-il avec un empressement hautain.

— Eh bien, tant mieux ! répondit-elle étourdiment.

— Auriez-vous l’extrême bonté de m’expliquer cette parole ?

— Ah ! vous savez que je suis une vivante énigme, vous l’avez dit !

— Dois-je tâcher de deviner le sphinx ?

— C’est de la prétention que de croire y arriver si vite !

— On apporta le café et des cigares. Madame Du tertre alluma le bout d’une cigarette en paille et fit mine de la fumer pour donner l’exemple à ses hôtes. Tous les hommes profitèrent de la permission, et, pendant qu’Olympe toussait à la dérobée ses trois bouffées d’étiquette hospitalière, Éveline prit un gros cigare et fuma comme un garçon au nez de Thierray avec l’intention presque évidente d’essayer sur lui l’effet de ses excentricités. Il en fut choqué d’abord et ne se gêna point pour lui dire que c’était affreux. Elle Jeta aussitôt son cigare, s’amusa une demi-minute du trouble naïf qui s’empara de lui à cette concession inopinée, et alla chercher un autre cigare en disant :

— Vous aviez raison, celui-là était affreux. Est-ce que vous ne fumez-pas ?

— Si fait, répondit-il en allumant son cigare à celui qu’elle venait d’allumer elle-même et qu’elle lui tendait familièrement, je fume sans cesse.

— Vous avez tort !

— Pourquoi ?

— Ah ! si je vous explique toutes mes paroles, quand est-ce que vous commencerez à deviner mes pensées ?

M. Dutertre passa près d’Éveline, lui ôta en souriant