Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée



X


— La dame Hélyette de Mont-Revêche était amoureuse d’un croquant, dit Gervais : on dit un petit clerc de Clamecy. Pour se défaire de son mari, qui avait découvert son intrigue, elle donna dans la science du diable, dans les poisons, et elle montait dans le haut du donjon, où vous verrez ses fourneaux. Elle composa un breuvage qui fit mourir lentement monsieur son mari, Tranchelion de Mont-Revêche. Et, comme la chose lui réussit sans éveiller les soupçons de la justice, elle résolut d’épouser son amant le croquant ; mais elle apprit que le drôle était déjà marié dans le Rouergue, et elle s’apprêta à le faire mourir de la même façon. Or, comme elle était en train de souffler ses fourneaux d’enfer, une belle nuit, je ne sais quelle drogue, qu’elle versait dans la chaudière, lui sauta au visage et lui fit une brûlure effroyable. Cela fit du bruit. Le croquant eut l’éveil et quitta le pays. Madame Hélyette vécut seule et mourut vieille, ayant, depuis ce moment, toujours porté sur la figure ce qu’on appelait un loup, avec lequel elle voulut être enterrée, pour cacher jusque dans le tombeau la marque de son crime. Les paysans, qui sont ignorants et qui arrangent tout à leur idée, jouant sur le mot, prétendent qu’elle avait apprivoisé un grand vilain loup, à qui elle faisait dévorer ceux qui ne payaient pas la taille ; qu’il a été enterré à ses pieds et qu’il revient avec elle ; mais cela est faux, et je vous conte l’histoire exacte telle que je l’ai entendu raconter à madame la chanoinesse, qui la savait bien, la tenant du plus ancien curé des paroisses environnantes.

Gervais, ayant fini sa narration, fit encore gravement