Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/143

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aussi fort avec ceux-là qu’il était faible et même dupe vis-à-vis des cœurs glacés.

Amédée, formé du même sang, doué des mêmes instincts, reflet splendide et pur de cette âme d’élite, ne pouvait pas essayer de lui résister. Il parla, mais avec ménagement d’abord.

— Ma tante est malade, dit-il, je le crains. Ne l’avez-vous jamais craint vous-même ? Sa pâleur est-elle naturelle ?

— Oui, oui, je le crains, dit Dutertre ; mais sa pâleur… je l’ai toujours vue ainsi !

— Oui, reprit le jeune homme, vos yeux y sont habitués. Il semble que ce soit une condition de son organisation, parce que c’est, dit-on, un des prestiges de sa beauté ; mais c’est la preuve d’un refroidissement du sang qui n’est pas ordinaire à son âge, et qui, tôt ou tard, doit être le symptôme d’un dérangement dans l’équilibre physiologique. J’ai un peu étudié la médecine depuis un an, mon oncle. Je ne la sais pas, mais je la comprends, et je crois savoir mieux que les médecins de ce pays la situation de ma tante.

— Parle donc, tu me fais mourir ! Qu’a-t-elle ? Depuis quand est-elle malade ? Pourquoi me le cache-t-on ? Pourquoi m’en fait-elle mystère ? C’est donc grave ?

— Oui et non. Après mûr examen, les premiers médecins de Paris (car elle a consulté à votre insu à Paris, à son dernier voyage, il y a trois mois), les médecins de Paris lui ont déclaré, dans une consultation écrite que j’ai entre les mains…

— Montre-la moi ! s’écria Dutertre.

— Je vous la montrerai ; mais soyez certain que je ne vous trompe pas.

— Ils ont déclaré… ?