Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/178

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sisté aujourd’hui même à celle que le meilleur des pères me faisait sentir pour la première fois. Je suis donc tout à fait absurde et peut-être un peu coupable. Pardonnez-le-moi, mon père, oubliez les sottises que j’ai dites, gardez-moi le secret auprès de ma petite maman, qui, je l’espère, ne se doute pas de tout cela. Épargnez-moi l’exigence de me courber devant elle pour lui montrer mon repentir : je ne le pourrais pas ; mais soyez sûr que je l’aime au fond du cœur, que je ne lui en veux pas d’être charmante, de vous plaire et de vous rendre heureux. Voilà, j’ai dit.

Et Éveline, courbant le genou devant son père avec une grâce caressante, le désarma en lui baisant les mains. Il la releva et la pressa sur son cœur. Plus ému qu’il n’eût voulu le paraître, il essaya de la préserver pour l’avenir du retour de ces injustices. Elle le promit, pour avoir plus tôt fini ; car elle n’était pas bien convaincue de sa propre résolution, et, jusque dans ses meilleurs mouvements, il entrait toujours un peu de caprice. Mais, résolue au moins de s’endormir en paix avec son père et avec sa propre conscience, elle jura d’essayer de se corriger, à condition qu’on la laisserait s’examiner et se blâmer elle-même ; puis, mettant sa migraine en avant et ne voulant pas avoir affaire à Nathalie de la soirée, elle demanda la permission d’aller dormir et laissa son père et sa sœur en tête-à-tête.

— À toi, maintenant, ma fille, dit Dutertre, qui reprit aussitôt l’apparence du calme, de la douceur et de la fermeté. J’attends tes plaintes ou tes réclamations.

— Je ne me plains jamais, répondit Nathalie, qui avait préparé son réquisitoire, mais qui manquait de vrai courage ; et, quand les réclamations sont vaines, je sais me taire.