Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/21

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commander : chose difficile à acquérir, l’air du commandement ! et qui se contracte en naissant. Tu es riche, tu peux te passer d’esprit et de savoir-vivre ; cependant tu as de l’un et de l’autre ; tu es estimé parce que tu es brave, aimé même parce que tu n’es pas méchant. Ta part serait trop belle, si tu avais du jugement ; mais tu en es dépourvu, je le sais de reste : donc, il est bien des avantages que la destinée me refuse, et que je saurai probablement conquérir avant toi.

Après quelques minutes de ce résumé silencieux, Thierray reprit la conversation.

Il fut convenu qu’on ne parlerait plus de Léonice, et déjà la colère du jeune comte était dissipée. Il ne demandait pas mieux que de s’en distraire pour l’oublier entièrement. Thierray lui proposa d’entrer au Cirque des Champs-Élysées, où ils étaient sûrs de rencontrer quelques-uns de leurs amis.

— Soit ! dit Flavien.

Ils jetèrent les rênes aux laquais qui les suivaient et qui emmenèrent leurs chevaux.

À peine furent-ils entrés, que Thierray fut abordé par un homme d’une figure distinguée qui ne fixa pas l’attention de Flavien. Quand ils eurent causé ensemble quelques instants, Thierray vint rejoindre son compagnon.

— Mon cher de Saulges, lui dit-il avec un peu d’émotion, je te dis adieu, je rentre pour mettre de l’ordre, je ne dirai pas dans mes affaires, ce serait supposer que j’ai de grands intérêts d’argent dans ce monde, mais dans mes papiers, dans mes griffonnages. Je pars demain pour la province.

— C’est donc ce monsieur qui t’enlève ? dit Flavien en s’éloignant du groupe où il s’était mêlé d’abord, et cher-