chant la personne qui avait abordé Thierray et qui s’éloignait. Est-ce un parent ?
— Non, c’est un mari, répondit Thierray.
— Ah ! fort bien. C’est tout dire. Mais chercher une femme en province ! fi ! Je ne reconnais pas l’homme de goût qui peint si bien les femmes du monde, qu’on le croirait au mieux avec plusieurs duchesses.
— Celle-là, dit Thierray en cachant son dépit pour un compliment qui lui sembla renfermer une épigramme, n’est ni une provinciale, ni une femme du monde : c’est une femme de cœur et d’esprit, voilà tout !
— Une femme de cœur ? Drôle de définition ! Je ne connais pas cette variété. Cela doit être ennuyeux.
— Flavien, nous nous maniérons ! Tu vaux mieux que cela.
— Ma foi, non ! mais c’est ma faute. J’ai eu une vie si paresseuse ! Je ne fais pas de romans, moi ; je n’ai pas besoin d’étudier les types. Enfin, tu dis que cette femme de cœur te plaît ?
— Mieux que cela, j’en suis amoureux, mais sans espoir, comme disent ces imbéciles de romanciers.
— Je comprends, je comprends, Thierray ; c’est ce que je disais : tu étudies !
— Mais non ! je contemple, j’admire, je savoure.
— Allons donc ! toi amoureux d’une femme vertueuse ! un garçon qui a tant d’esprit, tant de raison, tant de logique ! Tu m’as dit, il n’y a pas une heure, ce que je me suis dit cent fois… sans être un roué ; mais cela tombe sous le sens : « Pourquoi convoiter une femme vertueuse, puisque, le jour où elle vous cède, elle cesse de l’être ? »
— C’est toi, dominateur superbe, qui me fais cette question-là ? Et le combat ? et le triomphe ?
— Bah ! bah ! c’est trop facile. Triompher de la person-