Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/266

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— Non ! mais ne me parle pas comme cela, je le deviendrais : tu ne l’es pas, de ton côté ? Jure-le, je te croirai et me rassurerai, car tu n’es pas menteur, toi !

— Je vous jure que mon oncle doit être où je vous dis.

— À la bonne heure ! C’est égal ! j’ai du guignon en tout, Amédée. Je me suis hâtée de revenir ! Je me faisais une si grande fête de le surprendre et de pouvoir mettre un jour de plus dans ma vie ! Car elle est bien courte, ma vie, sais-tu ?

— Mon Dieu ! que dites-vous là ? Est-ce que ?… Oui, vous souffrez, vous le cachez !

— Il est plus inquiet que moi-même ! se dit Dutertre.

— Tu ne me comprends pas, reprit Olympe. Je dis que ma vie est courte, parce qu’elle ne dure que deux ou trois mois par année. Est-ce que j’existe quand il n’est pas là ? Eh bien, pourquoi as-tu l’air triste ? Est-ce que cela t’étonne ? est-ce que, comme moi, tu n’es pas une âme en peine en son absence ?

— Non, cela ne m’étonne pas, dit Amédée avec une grande émotion, et je suis comme vous. Son absence nous fait bien du mal à tous ; mais elle vous tue, et voilà pourquoi je suis triste. Si vous vous laissez mourir, ma tante, qu’est-ce que nous deviendrons ? Mon oncle ne vous survivrait pas !

— Mais je ne veux pas mourir ! s’écria Olympe d’une voix pénétrante par sa douceur. Oh ! tu ne me laisseras pas mourir, toi qui es un peu mon médecin. Mais le grand médecin de l’âme, vois-tu, c’est lui. Pourvu que je le voie, je suis sauvée. Ah ! mon cher enfant, aime-le bien, ce ne sera jamais trop ! Allons, bonjour ou bonsoir. Je monte. Tu fermeras cette porte, dont la serrure me brise les doigts ; et puis n’oublie pas les fleurs de notre Benjamine.