Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/286

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tion avec une sorte de joie. Elle avait étonné et inquiété Olympe, qui voyait poindre des malheurs inconnus dans chacune de ses paroles mystérieuses.

Caroline gronda son père de n’avoir pas envoyé son secrétaire ou quelque autre de ses employés à la place d’Amédée.

— Qu’est-ce que nous allons faire sans notre bonne d’enfants ? dit-elle, répétant par affection le titre que sa sœur Éveline avait donné par moquerie à Amédée. Qui est-ce qui m’attrapera des papillons ? Et l’anglais, que je commençais à parler, je vais l’oublier, moi ! Et qui est-ce qui nous fera la lecture pendant que nous travaillons, maman et moi ?

— Le fait est, dit Éveline, qu’il va nous manquer, notre pauvre Amédée ! Il faudra donc que je monte à cheval toute seule dans le parc, puisque mon père me trouve trop grande pour être accompagnée dehors par un domestique ? Oh ! si je reste enfermée, moi, je vais faire une maladie.

Dutertre sentait lui-même combien, dans une famille, l’absence d’un des membres les plus dévoués et les plus aimables laisse un vide sinistre. À chaque instant, il se surprenait sur le point d’adresser la parole à son neveu, et, quand on venait lui parler de ses travaux des champs, il disait, ne se rappelant pas les détails nombreux dont il l’avait chargé : « Nous demanderons cela à M. Amédée. » Et tout aussitôt il avait le cœur serré en se disant qu’Amédée ne reviendrait peut-être jamais à Puy-Verdon.

Au bout de deux ou trois jours, Dutertre, surpris de ne pas voir revenir Thierray, et remarquant les yeux souvent rouges de larmes de la pauvre Éveline, le crut malade et alla lui rendre visite. Thierray n’avait pas quitté le pays ; mais, ce jour-là, il était allé faire une longue course dans