Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/302

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— Faut-il donc qu’il vous prie d’accepter ma main, et n’est-ce pas à vous à la demander ?

Thierray raconta la conversation qu’il avait eue dans le bois avec Dutertre. Éveline jura que Thierray avait eu l’hallucination auditive, et que son père ne se doutait pas seulement de sa première visite à Mont-Revêche.

— Il aura eu ce jour-là, dit-elle, une querelle avec Nathalie, ou une mauvaise nouvelle pour ses affaires. Vous l’aurez vu triste ; vous aurez fait quelque absurde quiproquo en lui parlant de mon aventure, dont il n’a pas encore le moindre soupçon. Vous persistez à en douter ? Moi, je vous l’atteste, et, si vous ne venez pas demain éclaircir l’affaire, je croirai que j’ai fait cette nuit une course à me faire dévorer par les loups et une chute à me briser la tête pour un homme qui ne veut pas de moi.

— J’irai ! j’irai ! en doutez-vous ? s’écria Thierray ranimé par l’espoir que, si ce mariage était un malheur pour lui, ce ne serait, du moins, pas une avanie.

Il lui baisa la main avec plus d’expansion. Éveline, rassurée, reprit ses pistolets, remit son chapeau rustique et prétendit qu’elle allait partir. Thierray et Flavien se disposèrent à l’accompagner jusqu’à la limite du parc de Puy-Verdon. La nuit était fort sombre et on pouvait sortir par la porte de Mont-Revêche sans éveiller les domestiques.

Éveline se leva, devint pâle comme la mort, et essaya de marcher. Malgré le courage héroïque qu’elle mit dans cet acte de volonté, elle tomba dans les bras qui la soutenaient, en s’écriant :

— Ah ! malheureuse que je suis, c’est impossible ! je suis perdue !

Elle avait un pied luxé. Elle souffrait le martyre depuis