Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/337

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rité contre sa fille pour faire à sa femme un si grand crime de son silence. Elle s’était engagée par serment à garder le secret d’Éveline. À sa grande surprise, elle voyait Dutertre hors de lui. Elle craignit pour la pauvre malade les suites de cotte indignation, si elle confirmait par des aveux les soupçons de Dutertre. Elle se résolut à les détourner de son mieux. Dutertre, voyant qu’elle hésitait à répondre, réitéra sa question d’un ton plus froid et plus inquiet.

— Je ne comprends pas l’importance de cette demande, dit-elle ; M. de Saulges, que je ne savais pas dans le pays, et qui vous cherchait, m’a-t-il dit, s’est adressé à moi pour me demander un service, pour me confier le soin d’assister une personne qui l’intéresse… Je l’ai prié de m’y conduire. Ce n’était pas bien loin, mais il m’a ramenée au pas par la traverse… Je crois qu’un des chevaux était boiteux, que je m’étais assoupie dans la voiture, et que M. de Saulges a un peu erré au hasard dans le parc, ce qui heureusement nous a fait rencontrer Éveline.

Olympe avait fait un grand effort pour articuler ces dernières phrases d’expédient. Elle n’eût éprouvé aucune gêne à les dire pour repousser des insinuations malveillantes ou seulement curieuses contre sa belle-fille. Mais mentir à un père si juste et si tendre, à un époux si ardemment aimé, fut pour elle un supplice, et Dutertre n’y fut pas trompé.

— Vous, mentir ! s’écria-t-il ; Olympe mentir ! mon Dieu ! combien il faut aimer pour se transformer ainsi du jour au lendemain !

— Aimer ! Je ne comprends plus, dit Olympe saisie de vertige. Non, sur mon salut éternel, je ne comprends plus.

— Ni moi, dit Dutertre, que les accents vrais de sa femme frappaient toujours au cœur. Expliquez-moi donc,