Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/34

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Ce fut Flavien qui cessa le premier de rire et qui fit cette remarque fort sensée, où Thierray vit cependant une consolation brutale :

— Eh bien, quand cela serait ! quand elle aurait quarante ans ! Une femme n’a que l’âge qu’elle paraît avoir. Tu en as trente-deux ou trente-trois. Pourquoi ne serais-tu pas épris d’une femme née sept ou huit ans avant toi ? Est-ce que les beautés célèbres dans le monde et dans les arts ne font pas des conquêtes dans un âge plus avancé ? Va, mon cher ami, ce dédain pour les beautés mûres est de la mauvaise honte. À ta place, je n’en rougirais pas, car on aime ces femmes-là de passion quand on peut les aimer. Elles ont un prestige comme les reines, comme les grandes actrices…

— Ou comme les belles ruines et les vieux tableaux, reprit Thierray d’un ton caustique ; grand merci ! Je ne suis plus un enfant pour m’attacher, par habitude de cœur, à la première femme qui nous rappelle les soins et les gâteries de notre mère ; je ne suis pas de l’humeur d’un parvenu pour me laisser éblouir par le luxe, et pour mettre du velours et de la dentelle à la place de la saine et bonne réalité de mes désirs. Arrière les fausses dents et les cheveux teints ! mon Olympe est une grand’mère, voilà tout, et c’est comme une grand’mère que je prétends l’aimer ; car, après tout, ce n’est pas sa faute si je suis un peu myope.

— Et puis tu as une consolation : si tu n’as pas trouvé ton type d’antithèses mystérieuses, tu as rencontré en elle un problème que l’analyse philosophique résoudra mieux que l’amour. C’est une belle femme bien conservée ; elle se défend de son mieux contre les ravages du temps. Donc, c’est une savante. Reste à savoir pourquoi cette science. Est-ce une verte pour plaire à son mari ? est-ce un piége