Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/377

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CONCLUSION


Deux ans après la mort de madame Dutertre, Thierray était seul dans le salon de la chanoinesse. Il avait conservé ce manoir avec un soin religieux, et, de Puy-Verdon qu’il habitait, il venait toutes les semaines faire une tournée d’inspection et une sorte de méditation à Mont-Revêche. Il y avait gardé sa table de travail ; car, après avoir dit bonjour au pauvre Gervais, qui avait perdu sa femme, et qui, paralysé en partie, passait ses journées assis sur un vieux fauteuil de cuir, dans un coin de la cour ; après avoir serré la main de Forget, dont il avait fait le gardien du manoir, et dont toutes les fonctions se bornaient à transporter le vieillard impotent d’un coin à l’autre et à brosser un vieil habit que Thierray lui avait laissé pour satisfaire son impérieux besoin de brosser quelque chose ; après avoir rattaché les lierres et relevé les mauves pyramidales que l’orage avait brisées, Thierray s’installait une heure au salon, repassait le roman de sa vie et faisait quelques vers pour sa femme. Il avait composé là, à cent reprises différentes, tout un poëme d’amour, en mémoire de leurs premières amours, qu’il voulait lui donner quand il serait achevé.

C’était l’été ; il faisait chaud, même dans le manoir de Mont-Revêche. Le calme solennel des bois environnants n’était troublé que par les cris aigus des martinets qui nichaient dans le donjon, et qui se disputaient dans les airs la proie destinée à leurs petits. Le perroquet et le paralytique, hébétés dans la cour par les bienfaisantes influences du soleil, gardaient côte à côte un morne