Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/378

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silence. Un des beaux chiens d’Éveline, qui daignait partager désormais son affection entre elle et son mari, et suivre ce dernier dans ses visites à Mont-Revêche, était couché sur les marches du salon, dont la porte restait ouverte. Tout à coup le chien dressa l’oreille, gronda, aboya, et, un instant après, on sonna à la porte massive de Mont-Revêche. Forget alla ouvrir, et Thierray, que la manière dont la cloche avait été secouée reportait à de vagues souvenirs du passé, se leva involontairement pour aller regarder à la fenêtre. Flavien entrait dans la cour. Il s’élança au-devant de lui.

— Ah ! quel bonheur inespéré ! s’écria-t-il. Est-ce toi ? Depuis deux ans pas un mot, pas une marque de souvenir ! Peu s’en faut que je ne t’aie cru mort dans ce long voyage. Tu viens me voir, tu arrives d’Italie, n’est-ce pas ? Tu vas rester quelques jours avec moi ?

— Non pas avec toi précisément, dit Flavien en lui rendant son étreinte amicale (je n’ai pas le droit de me présenter à Puy-Verdon pour saluer ta femme), mais ici, où j’espère te voir de temps en temps, et elle aussi peut-être, car on m’a dit dans le pays qu’elle y venait quelquefois.

— Elle y viendra dès aujourd’hui, s’écria Thierray. Éveline te regarde comme son frère ; elle n’oubliera jamais ton zèle et ta discrétion dans la malheureuse circonstance…

— Ne parlons pas de cela ! dit Flavien.

— Eh bien, sans doute, n’en parlons pas ; mais, moi, j’y pense toujours ; car de ce jour-là date pour moi un bonheur qui eût été sans nuages, si le ciel ne nous eût enlevé notre ange gardien, notre libératrice, cette belle et noble femme…

— Ne parlons pas de cela ! répéta Flavien.

Et une ombre passa sur son front toujours droit, pur et