Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/382

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maient, dit Flavien. On m’a même dit que Caroline était singulièrement embellie.

— Embellie à un point extraordinaire, et, chose plus extraordinaire encore, mais qui te frappera si tu la vois, c’est qu’elle est arrivée à ressembler à notre pauvre Olympe.

— Comment expliques-tu cela ?

— Je pense qu’à force de penser à elle, elle est venue à bout de la ressusciter dans sa personne, comme elle la ressuscite dans son caractère. En grandissant, elle a pris, je ne sais comment, la souplesse, la démarche, la grâce de cette femme incomparable. Comme Olympe était son modèle en tout, son type, son idéal, les toilettes élégantes et simples de celle-ci ont servi et serviront, je crois, d’éternel modèle à celles qu’a inventées naïvement Caroline pour plaire à son mari et à son père. Sa prononciation, son accent, sont restés imprégnés de la musique des intonations d’Olympe. Et, après tout, qu’y a-t-il de si étonnant ? Le corps n’est-il pas le très-humble serviteur, le reflet de l’âme ? n’est-ce pas une argile souple qui s’étend et se façonne sur notre désir, sur notre volonté, sur notre contention d’esprit ? Ainsi qu’une mère enfante un ange on un monstre, selon que son imagination a été ravie ou terrifiée durant la gestation, le rêve incessant d’une forme chérie ou abhorrée ne peut-il nous transformer nous-mêmes en démons ou en divinités ? Or, l’âme de Caroline s’est faite si semblable à celle d’Olympe, ses qualités, ses goûts, ses vertus, ses instincts sont tellement les mêmes, qu’on la retrouve en elle à chaque instant avec une douce surprise, et c’est un véritable bonheur pour Dutertre ; c’est la plus réelle consolation, le plus effectif dédommagement que Dieu lui ait envoyé.

— Mais tu ne me parles pas, dit Flavien, d’un événe-