Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/54

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— Qu’elle ne porte pas ! dit Dutertre en jetant les yeux sur la robe de velours noir de sa femme.

— Mais qu’elle va porter, à présent que tu es ici ! dit Caroline. N’est-ce pas, mère, que tu vas te faire belle pour papa ? Quand tu es bien arrangée, bien jolie, je vois dans ses yeux qu’il est content ! Et moi aussi, papa, je mettrai demain ma robe rose pour te faire plaisir.

— Ah ! toi, du moins…, dit Dutertre en la pressant sur son cœur.

Et sa phrase expira dans un baiser, mais il la termina intérieurement.

— Toi, du moins, pensa-t-il, enfant de mes entrailles, tu prends ta part de mon bonheur au lieu de me le reprocher !

À minuit, chacun était rentré chez soi depuis une heure ; mais, à l’exception des domestiques, personne ne dormait au château de Puy-Verdon. M. et madame Dutertre avaient leurs appartements à une extrémité du château opposée à celle qu’occupaient les demoiselles Dutertre et leur principale servante, une bonne femme qui avait nourri Éveline et qui les avait élevées toutes les trois : on l’appelait du sobriquet de Grondette. Amédée Dutertre habitait une jolie tour carrée qui avait une entrée sur les cours et une sur les jardins. De ces trois points d’occupation qui avaient pour centre commun la vue de la pelouse semée de fleurs et plantée de beaux arbres, située au midi, on pouvait, au besoin, s’avertir et se rassembler, prévision qui n’est jamais inutile dans les résidences isolées.

Pénétrons dans l’appartement des demoiselles. Il n’y aura pas trop d’indiscrétion, car, à l’exception de la Benjamine, que nous ne troublerons pas, puisqu’elle dit ses prières, seule dans sa petite chambre, aucune ne songe à