Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/113

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ison pour faire un petit mariage. Il n’y avait que la pauvreté du couvent qui fût un moyen de rester grande. Elle l’avait cru, les enfants croient ce qu’on leur répète tous les jours et à tout propos.

Sa mère ne l’avait jamais caressée, et, sachant qu’il faudrait se séparer d’elle le plus tôt possible et pour toujours, elle s’était défendue de l’aimer. Cette belle dame s’était jetée dans la vie de Paris et du grand monde, oubliant tous les sentiments de la nature pour faire de la cour sa famille, sa vie et son seul devoir. Elle n’aimait pas même son aîné, qui, étant destiné à passer avant tout, ne lui appartenait pas plus que ses autres enfants. À l’époque où j’en suis de mon récit, madame de Franqueville était à l’étranger, très malade, et elle mourut peu de temps après. Nous ne le sûmes que plus tard et c’est par la suite du temps que j’ai connu le peu que j’ai à dire d’elle.

La petite Louise fut élevée à Franqueville par sa nourrice, et le précepteur qui enseignait, ou plutôt qui n’enseignait pas Émilien, fut chargé de lui apprendre tout juste à lire et à écrire un peu._ _La nourrice promettait de lui apprendre ses prières, la couture, le tricot et la pâtisserie. C’est tout ce qu’il fallait pour une religieuse : mais la nourrice trouva que c’était encore trop. C’était une belle femme qui plaisait à plusieurs et gardait peu la maison. La pauvre Louise tomba aux soins des filles de cuisine, qui en firent à leur aise, car, lorsqu’un désordre est toléré dans une maison, tous les autres suivent. Tant que l’enfant eut son frère Émilien, elle vécut et courut avec lui, faisant la princesse quand elle rentrait au logis et reprochant très aigrement à sa nourrice les torts qu’elle avait, se