plus tard, les moines suspects s’étaient en allés d’eux-mêmes. Quant à Émilien, il avait bien prévu que ses biens de famille seraient confisqués et qu’il porterait la peine de la défection de ses parents. Il en prenait son parti en homme qui n’a jamais dû hériter ; mais nous étions tristes à cause du roi, que nous ne pouvions pas croire d’accord avec les émigrés, après le blâme qu’il leur avait donné. Nous étions aussi très affligés et comme humiliés de ce que les ennemis nous avaient battus. Quand on nous raconta le massacre des prisons, nous sentîmes que notre pauvre bonheur s’en allait pièce à pièce. Au lieu de lire et de causer ensemble, Émilien et moi, nous nous donnions au travail de la terre et de la maison, comme des gens qui ne veulent plus réfléchir à rien et qui auraient quelque chose à se reprocher.
On trouvera cette réflexion singulière, elle est pourtant sérieuse dans mes souvenirs.
Quand de jeunes âmes très pures ont cru à la justice, à l’amitié, à l’honneur ; quand elles ont vu l’avenir comme l’emploi de toutes leurs bonnes intentions, et qu’il leur faut apprendre que les hommes sont pleins de haine, d’injustice, et le plus souvent hélas ! de lâcheté, il se fait dans l’esprit de ces enfants une consternation qui les brise. Ils se demandent si c’est pour les punir de quelque faute que les hommes leur donnent de pareils exemples.
Nous consultions M. le prieur plus que par le passé. Nous nous étions cru bien savants, parce que nous avions acquis sans lui des idées qui nous paraissaient plus avancées que les siennes. Nous n’osions plus être si fiers, nous avions peur de nous être tromp