Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/159

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vite et sans preuves ! Je sais qu’on peut appeler d’un jugement.

— Tu sais, je le vois, quelque chose du passé : mais le passé n’est plus. On n’appelle pas d’un jugement rendu par les tribunaux révolutionnaires.

— Alors, qu’est-ce qu’on fait pour sauver ses amis innocents ? Qu’est-ce que vous allez faire, vous, pour délivrer ce jeune homme que vous estimez, que vous aimez, et qui est venu se livrer parce que vous lui avez dit : « Il y va de ma tête si l’on sait que je vous fais évader ? »

— Je ne peux rien faire quant à présent, qu’une chose qui ne te satisfera pas, mais qui a son importance. Je peux, du moins je l’espère, le faire transférer dans une autre prison, c’est-à-dire dans une autre ville. Ici, sous l’œil de Pamphile qui est une vipère et de Piphaigne qui est un tigre, il court de grands risques. Ailleurs, n’étant connu de personne, il sera peut-être oublié jusqu’à la paix.

— La paix ! quand donc ? il paraît que nous sommes battus partout ! les aristocrates espèrent, dit-on, que l’ennemi aura le dessus et délivrera tous les prisonniers que vous faites. C’est peut-être imprudent à vous de rendre tant de gens malheureux et désespérés ; cela sera cause que beaucoup d’autres appelleront et désireront la victoire des étrangers.

Je disais des choses imprudentes. Je m’en avisai en voyant les lèvres de l’avocat pâlir et trembler de colère.

— Prends garde, petite _amoureuse, _s’écria-t-il avec aigreur, tu te trahis et tu accuses ton bien-aimé !

Je me sentis offensée.

— Je ne suis point une amoureuse, lui dis-je avec