Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/215

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éloignée. Quand les paysans n’ont pas d’intérêt à faire une exploration des lieux qui les environnent, ils ne la font jamais. Encore aujourd’hui, dans des parties plus peuplées du Berry, il y a des familles qui ne savent pas comment le pays est fait à la distance d’une lieue de leur demeure, et qui, au delà d’un kilomètre, ne peuvent vous indiquer les chemins. Cela devient chaque jour plus rare, et ces gens, ainsi confinés sur le bout de terrain qui les fait vivre, sont, il faut le dire, extrêmement pauvres.

Sachant bien que, quand même nous ne l’eussions pas évité, nous ne recevrions l’assistance immédiate de personne, nous nous arrangions pour vivre en anachorètes. Nous sûmes plus tard que, dans les premiers temps du christianisme, il y en avait eu plusieurs dans les rochers que nous habitions, et même la tradition disait que notre _aire aux fées, _qu’on appelait le _trou aux_ _fades, _après avoir été occupée par les _femmes sauvages _(les druidesses), avait servi d’ermitage à des saints et à des saintes. Nous nous disions donc que, si des solitaires avaient pu vivre dans cette thébaïde en un temps où le sol était encore plus inculte et la population plus rare, nous viendrions bien à bout d’y passer l’hiver.

Nous n’épargnâmes donc pas notre peine pour faire la meilleure installation possible, et cela était conforme à la prudence, car, si nous devions recevoir quelque visite, il fallait avoir, non l’apparence de gens qui se cachent et bravent la misère à tout prix, mais bien celle de pauvres habitants qui s’établissent avec l’intention de vivre le moins mal qu’ils pourront.

Pendant le reste de l’été et encore longtemps jusqu’aux gelées, les champignons furent le fond