Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/308

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n’ai jamais été grand dévot, ajouta-t-il, mais je crois que les âmes nous entendent, et, la nuit, je m’imagine que je cause encore avec ce cher prieur et qu’il me répond.

— C’est comme moi, Dumont, je le vois et je l’entends toujours, et ma seule consolation est d’espérer qu’il me voit et m’entend aussi. J’espère qu’il sait bien que, si je n’ai pas reçu son dernier soupir, ce n’est pas ma faute, qu’il voit comme je le pleure, comme je l’aime, et combien j’aurais été plus contente de le conserver que d’être riche !

— Moi, dit Dumont, je suis sûr que son âme se réjouit d’avoir assuré l’avenir de ses chers enfants. Croiriez-vous qu’il m’a embrassé, une heure avant de s’endormir de son dernier sommeil, et qu’il m’a dit : « Voilà ma bénédiction pour Nanette et pour Émilien ! »

Comme chaque parole de Dumont me faisait pleurer, il craignit de me rendre malade et m’emmena au jardin. Il commençait à faire beau, et nous vîmes bientôt M. Costejoux, qui me fit appuyer sur son bras pour rentrer et me témoigna beaucoup d’intérêt. Il m’apportait le testament et les pièces qui me mettaient en possession des vingt-cinq mille francs.

Quand je fus en état de parler d’affaires, je répondis à ses questions que je souhaitais lui payer tout de suite la propriété qu’il m’avait vendue.

— Vous auriez tort, me dit-il ; votre argent vous rapporte six pour cent chez mon frère ; vous feriez mieux de me payer deux pour cent et d’utiliser le reste de vos revenus pour de nouvelles acquisitions.

— Je_ _ferai ce que vous me conseillerez, lui répondis-je. Je n’ai plus de volonté.