Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/346

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— Te souviens-tu, dit-il, que c’est ici que nous nous sommes vus pour la première fois, il y a sept ans ? Tu possédais un mouton et ce devait être le commencement de ta fortune ; moi, je ne possédais et ne devais jamais rien posséder. Sans toi, je serais devenu un idiot ou un vagabond, au milieu de cette révolution qui m’eût jeté sur les chemins, sans notions de la vie et de la société, ou avec des notions insensées, funestes peut-être ! Tu m’as sauvé de l’abjection, comme, plus tard tu m’as sauvé de l’échafaud et de la proscription : je t’appartiens, je n’ai qu’un mérite, c’est de l’avoir compris !

Nous étions près du cimetière ; avant de rentrer, il voulut encore toucher la tombe du prieur dans l’obscurité.

— Mon ami, lui dit-il, m’entendez-vous ? Si vous pouvez m’entendre, je vous dis que je vous aime toujours, que je vous remercie d’avoir béni vos deux enfants, et je vous jure de rendre heureuse celle que vous me destiniez pour femme.

Il me demanda encore de fixer le jour de notre mariage. Je lui répondis que nous devions aller demander à M. Costejoux, que je savais revenu à Franqueville, de le fixer le plus proche possible. Émilien reconnut que nous devions cet acte de déférence à un ami si dévoué. D’ailleurs il désirait vivement l’avoir pour beau-frère et il se flattait de décider Louise. Nous partîmes dès le lendemain.

Comme nous pénétrions dans le parc de Franqueville, nous vîmes M. Costejoux qui vint à notre rencontre, les bras ouverts, et avec un sourire de contentement ; mais presque aussitôt l’effort qu’il