Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/156

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» Moi, je savais bien que Juliette avait une élève préférée, et qu’elle l’avait prise dans notre campagne ; mais, comme, depuis bien des années, nous ne nous parlions plus (vous savez, quand vous êtes venu ici, l’an passé, mademoiselle d’Estorade était pour moi comme une personne enterrée), si, par hasard, je la rencontrais une fois l’an à Estorade, je m’en allais d’un autre côté pour ne pas me trouver dans son chemin. Enfin, je boudais contre elle, pensant que la dévotion lui avait fait oublier ses vieux amis, et je n’avais jamais ni regardé ni vu de près la petite qui marchait à côté d’elle. Ça n’est pas étonnant, puisque j’avais oublié même la figure de mademoiselle d’Estorade.

» Quand vous avez été parti, au mois de septembre dernier, je pensais bien ne jamais reparler avec Juliette, malgré qu’elle nous avait dit en nous quittant : « Au revoir ! » Je ne me serais pas permis d’aller à son couvent sans une bonne raison que je n’avais plus, ou sans un gros prétexte que je ne savais pas trouver. Je me disais que le hasard seul pouvait nous remettre en présence, et, cette fois, c’était à augurer, puisque je vendais mon établissement, ce qui me permettait d’aller souvent à ma campagne. Je savais que Julia habitait le château, et que mademoiselle d’Estorade s’y rendait toutes les semaines.

» Un jour, le même hasard me fit parler avec made-