Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/186

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venaient à propos interrompre la monotonie des idées et chercher des caresses où il semblait que ces personnes, privées d’autre effusion, missent plus de leur âme que les parents et les amis ordinaires.

Insensiblement, soit que le rayonnement intérieur de mademoiselle d’Estorade jetât des clartés douces sur cet ensemble assombri, soit que mon âme, fatiguée du tumulte et du mouvement, fût gagnée par le bien-être du repos intellectuel, je me trouvai fort à l’aise. Dès qu’en province on renonce à s’amuser, on ne s’ennuie plus. Cette placidité de l’habitude, cette langueur d’une intimité où les amis de tous les jours, n’ayant rien de neuf à se dire, ne se forcent plus pour dire quelque chose, ce laisser aller paresseux de gens qui ont fait leur petite tâche de la journée, et qui se permettent de végéter pour recommencer la même tâche le lendemain, un je ne sais quoi d’intime et de mystérieux comme l’eau qui coule sans murmurer, me pénétrèrent et assoupirent mes habitudes de réflexion. Je sentis la douceur de cette vie à émotions cachées ou lentement savourées, qui fait le charme des petites existences, et qui étonne tant quand on y entre, sans transition, au sortir de la fièvre de Paris.

Huit jours après, ma femme et mes enfants étaient installés à la Faille ; les Pardoux, Pitard, Fourchois et Cie, se réunirent tous les soirs chez moi. J’avais un assez