Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/222

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tendre Albany, et ne pouvant attacher d’importance à un simple accompagnement.

Albany chanta très-bien, mais Juliette l’accompagna encore mieux qu’il ne chantait ; et, comme si elle eût voulu le lui faire sentir, elle fit chanter au piano, en manière de ritournelle, le thème de certains motifs qu’il venait de dire, et où le modeste instrument trouva plus d’expression et de largeur que la voix humaine. Cela ne fut pas remarqué de tout le monde, mais de quelques-uns, qui y virent une leçon donnée à l’artiste présomptueux. Il parut le sentir lui-même, car il dit à mademoiselle d’Estorade, en manière de compliment enjoué, qu’elle lui faisait du tort, et que, s’il eût soupçonné en elle, autrefois, un pareil maître, c’est d’elle seule qu’il eût voulu prendre des leçons.

— Des leçons de chant ? lui répondit Juliette. C’eût été difficile : je n’ai pas l’apparence de voix.

— Peu importe, reprit l’artiste. Je vous eusse priée de jouer les thèmes des maîtres, et, à vous écouter, j’en eusse appris plus qu’avec tous les autres.

Le curé déclara, avec une franchise un peu ronde, qu’Albany avait raison, et le docteur pria Juliette de jouer un certain Sanctus, ou toute autre chose, qu’il lui avait entendu étudier sur l’orgue du couvent, une veille de Pâques.

Elle s’en défendit, prétendant que cela ennuierait tout