Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

crifice que je lui ai offert, je pourrais dire aussi très-content d’elle, qui me préserve de l’insigne folie d’épouser une vieille fille dévote et bourgeoise.

Je laissai Albany exhaler ainsi son dépit. Narcisse ne l’eût pas souffert ; mais, moi, j’étais trop content de le voir renoncer à ses projets pour protester contre ses impertinences. Il voulait partir la tête haute, et, pour cela, il fallait lui laisser la satisfaction de dire le dernier mot. Je l’accompagnai donc très-patiemment à l’hôtel, feignant un peu de craindre de l’irriter ; et, quand je le vis, perché sur l’impériale de la diligence, enfoncer son bonnet de voyage sur ses oreilles, de l’air d’un homme qui pose l’éteignoir du dédain sur sa propre flamme, je m’applaudis de mon hypocrisie.

Je retournai au couvent. Narcisse y était encore.

— Arrivez donc, me dit Juliette, et regardez quelle figure de révolté l’on me fait ! Je ne peux pas obtenir qu’il aille me chercher un acte qui est dans mon secrétaire, à Estorade, et dont j’ai absolument besoin. Il dit que je ferais mieux d’y aller moi-même, ou de vous y envoyer, et que, quant à lui, il ne peut s’absenter. Voici la première fois de ma vie qu’il me refuse quelque chose, et je vous prie d’en prendre note.

— Si vous m’en croyez, lui répondis-je, nous partirons tous trois pour Estorade avec Sylvie, vu que je sais qu’un certain Albany vient bien de monter en diligence