Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/27

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vaient si distinctes, et comme qui dirait dans l’oreille. La rampe des deux jardins mitoyens était sur le même alignement, et le pilastre avancé, qui interceptait la vue, n’empêchait pas le son de passer chez le voisin. Aussi me fut-il impossible de perdre un mot de ce qui va suivre :

— Dites donc, monsieur Albany, murmura la voix éraillée, elle a raison, mademoiselle Julia ; vous avez par là une amourette !

— Avec qui, perruquier, je vous prie ? répondit d’un ton dédaigneux la voix pleine et sonore de l’acteur.

— Dame ! avec qui ?… Ça ne peut être qu’avec la servante à Narcisse.

— Qui, Narcisse ? Ah ! oui, le maître du café ! Il a donc des servantes ?

— Et des gentilles ! Vous ne les avez pas reluquées ?

— Je ne regarde pas les servantes.

— Oh ! vous êtes bien fier ! En ce cas, vous lorgnez le couvent ! C’est du temps perdu, allez ! Le bon Dieu vous fera du tort ; et, d’ailleurs, elles sont toutes vieilles et laides, là-dedans ! Vous allez fumer avant de chanter ? Vous ne craignez pas que ça ne vous empêche ?…

— Au contraire !

La conversation s’éloigna ; mais, l’incident m’ayant distrait de mes rêveries et de mon travail, j’eus la curiosité d’aller voir la tournure de ces acteurs dont j’avais surpris la querelle de ménage. Je fermai avec soin mon cabinet