Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

madame S… Il joue une odieuse comédie ; mais ses prétentions s’élèvent jusqu’à toi, et Pauline est sacrifiée à ses orgueilleux projets.

— Eh bien, répondit Laurence, je détromperai Pauline ; pour cela, il me faut une certitude ; je le laisserai s’avancer, et je le dévoilerai quand il sera pris au piège. Puisqu’il veut engager avec moi une intrigue de théâtre si vulgaire et si connue, je le combattrai par les mêmes moyens, et nous verrons lequel de nous deux sait le mieux jouer la comédie. Je n’aurais jamais cru qu’il voulût se mettre en concurrence avec moi, lui dont ce n’est pas la profession.

— Prends garde ! dit madame S… ; tu t’en feras un ennemi mortel, et un ennemi littéraire, qui plus est.

— Puisqu’il faut toujours avoir des ennemis dans le journalisme, reprit Laurence, que m’importe un de plus ? Mon devoir est de préserver Pauline, et, pour qu’elle ne souffre pas de l’idée d’une trahison de ma part, je vais, avant tout, l’avertir de mes desseins.

— Ce sera le moyen de les faire avorter, répondit madame S… Pauline est plus engagée avec lui que tu ne penses. Elle souffre, elle aime, elle est folle. Elle ne veut pas que tu la détrompes. Elle te haïra quand tu l’auras fait.

— Eh bien, qu’elle me haïsse s’il le faut, dit Laurence en laissant échapper quelques larmes ; j’aime mieux supporter cette douleur que de la voir devenir victime d’une infamie.

— En ce cas, attends-toi à tout ; mais, si tu veux réussir, ne l’avertis pas. Elle préviendrait Montgenays, et tu te compromettrais avec lui en pure perte.

Laurence écouta les conseils de sa mère. Lorsqu’elle rentra au salon, Pauline et Montgenays avaient échangé aussi quelques mots qui avaient rassuré la malheureuse