Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/174

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— Vous en plaignez-vous, madame ? dit-il avec une expression qui fit tressaillir Pauline.

— Oui, je m’en plains, répondit Laurence d’un ton plus sévère encore que son regard.

— Eh bien, cela me console de ce que j’ai souffert loin de vous, dit Montgenays en lui baisant la main. Laurence sentit frissonner Pauline.

— Vous avez souffert ? dit madame S…, qui voulait pénétrer dans l’âme de Montgenays ; ce n’est pas ce que vous disiez tout à l’heure. Vous nous parliez de folies de jeune homme qui vous auraient un peu étourdi sur les chagrins de l’absence.

— Je me prêtais à la plaisanterie que vous m’adressiez, répondit Montgenays. Laurence ne s’y fût pas trompée. Elle sait bien qu’il n’est plus de folies, plus de légèretés de cœur possibles à l’homme qu’elle honore de son estime.

En parlant ainsi, son œil brillait d’un feu qui donnait à ses paroles un sens fort opposé à celui d’une paisible amitié. Pauline épiait tous ses mouvements ; elle vit ce regard, et elle en fut atteinte jusqu’au cœur. Elle pâlit et repoussa la main de Laurence par un mouvement brusque et hautain. Laurence eut un moment de surprise. Elle interrogea des yeux sa mère, qui lui répondit par un signe d’intelligence. Au bout d’un instant, elles sortirent sous un léger prétexte, et, enlaçant leurs bras l’une à l’autre, elles firent quelques tours de promenade sur la terrasse du jardin. Laurence commençait enfin à pénétrer le mystère d’iniquité dont s’enveloppait le lâche amant de Pauline.

— Ce que je crois deviner, dit-elle à sa mère avec agitation, me bouleverse. J’en suis indignée, je n’ose y croire encore.

— Il y a longtemps que j’en ai la conviction, répondit