Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus, si tu ne veux que la mort me soit horrible… Oh ! hâtons-nous ! entends-tu cette vague qui vient de tomber au-dessus de nos têtes ? Et cette autre ! c’est comme le bruit du canon. Ô délices célestes ! Jenny, ma Jenny, il ne te reste qu’un instant pour me prouver que tu m’aimes, et tu ne peux me refuser !…


IV

Cependant le navire, battu par la houle, jeté tour à tour sur chacun de ses flancs fatigués, semblait attendre dans une pénible agonie le moment de sa destruction.

Mais, contre toute espérance, il résista ; le vent tomba un peu, la mer s’aplanit insensiblement.

Vers le matin, on put entendre la voix humaine au-dessus du rugissement des vagues ; celle de James Lockrist appelait sa fille avec anxiété ; celle du capitaine criait par l’écoutille de l’habitacle :

— Ohé ! d’en bas ! ferons-nous un vœu pour vous faire monter, Melchior ?

Les deux amants profitèrent de la confusion qui régnait encore pour se séparer sans être vus.

Jenny alla cacher son visage brûlant dans le sein de son père, et Melchior, en remontant sur le pont, vit avec terreur que le danger était passé, et que chacun remerciait Dieu, la Vierge ou Satan, selon sa prédilection particulière.

Ce jour-là, Melchior fut pâle, abattu, distrait ; ses yeux ne rencontraient plus ceux de Jenny, et, quand elle se fut décidée à l’interroger sur sa santé, il lui répondit d’un air effaré qu’il était accablé de sommeil.

Jusqu’au soir, l’équipage fut trop occupé de réparer