Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/166

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sveltes graminées, une vie à vivre dans les délices de l’étude ou du recueillement. Cette oasis de la Provence n’existe pas pour rien, elle n’a pas été créée pour des chartreux, ni même pour des entomologistes exclusifs ; sa beauté suave appartient au peintre, au poëte, au philosophe, à l’érudit, à l’amant et à l’ami, tout comme au botaniste et au géologue. Il faudrait être tout cela pour habiter ce sanctuaire. Où sont les hommes dignes de s’y réfugier et de le posséder avec le respect qu’il inspire ? Voilà ce que l’on se demande chaque fois que l’on rencontre un vestige du beau primitif, dans des conditions de douceur appropriées à l’existence humaine. On pourrait vivre ici de chasse et de pêche, de fruits et de légumes ; le sol est excellent. On n’y serait pas enfermé et séparé du reste des hommes ; les chemins sont beaux en toute saison, et il faudrait d’ailleurs y vivre en famille, car sans famille il n’y a rien à la longue qui vaille sous le ciel. Il faudrait aussi y être tous occupés de choses tour à tour intellectuelles et pratiques, que le ménage occupât les femmes sans les abrutir, et que le travail passionnât les hommes sans les absorber et les rendre insociables.