Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/28

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À présent, je suis oisif et dépouillé jusqu’au fond de l’âme. Non, George Sand n’a plus la Gargilesse ; il n’a plus l’Anio, qu’il a possédé aussi autrefois tout un jour, et qu’il avait emporté tout mugissant et tout ombragé dans un coin de sa mémoire, comme un bijou de plus dans un écrin de prédilection. Il n’a plus rien, le voyageur ! il ne veut pas qu’on l’appelle poëte, il ne voit plus que du brouillard, il n’a plus de prairies embaumées dans ses visions, il n’a plus de chants d’oiseaux dans les oreilles, le soleil ne lui parle plus, la nature qu’il aimait tant, et qui était bonne pour lui, ne le connaît plus. Ne l’appelez pas artiste, il ne sait plus s’il l’a jamais été. Dites-lui ami, comme on dit aux malheureux qui s’arrêtent épuisés, et que l’on engage à marcher encore, tout en plaignant leur peine.

Marcher ! oui, on sait bien qu’il le faut, et que la vie traîne celui qui ne s’aide pas. Pourquoi donner aux autres, à ceux qui sont généreux et bienfaisants, la peine de vous porter ? n’ont-ils pas aussi leur fardeau bien lourd ? Oui, amis, oui, enfants, je marcherai, je marche ; je vis dans mon milieu sombre et muet comme si rien n’était changé. Et, au fait, il n’y a rien de