Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/30

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dit enfin sur notre infortune et qu’il n’est plus délicat d’accepter la pitié des bons cœurs, est-ce donc fini ? Non, c’est le vrai chagrin qui commence, en même temps que la lutte se clôt. On avance, on écoute, on voit vivre, on essaie de vivre aussi ; mais quelle nuit dans la solitude ! Est-ce la fatigue qui persiste, ou s’est-il fait une diminution de vie en nous, une déperdition de forces ? J’ai peine à croire qu’en perdant ceux qu’on aime, on conserve son âme entière. À moins que….

Oui, allons, la vie ne se perd pas, elle se déplace. Elle s’élance et se transporte au delà de cet horizon que nous croyons être le cercle de notre existence. Nous avons les cercles de l’infini devant nous. C’est une gamme que nous croyons descendre après l’avoir montée, mais les gammes s’enchaînent et montent toujours, La voix humaine ne peut dépasser une certaine tonalité ; mais, par la pensée, elle entre facilement dans les tonalités impossibles, et, d’octave en octave, l’audition imaginaire, mais mathématique, escalade le ciel. Ceux qui sont partis vivent, chantent et pensent maintenant une octave plus haut que nous ; c’est pourquoi nous ne les