le dire. Patureau ne pouvait le deviner, car il le cherchait naïvement en faisant son examen de conscience. Il n’avait jamais fait injure ni menace à personne ; mais il faisait envie, et c’est ce que sa modestie ne comprenait pas. Jamais je n’ai pu saisir un fait contre lui, car j’étais à la recherche des griefs pour le justifier. Toutes les accusations se résumaient ainsi : « Il ne dit et ne fait rien de mal, il est fort prudent ; mais ses amis sont à craindre. C’est un homme dangereux, il est trop aimé. » Je ne pus rien arracher de plus juste et de plus clair à celui de nos préfets qui me faisait marchander sa grâce.
L’attentat d’Orsini, qui, dans les provinces, servit de prétexte à tant de vengeances personnelles, surprit Patureau dans une quiétude complète sur son propre sort. Il blâmait si sincèrement la doctrine du meurtre, qu’il se croyait à l’abri de tout soupçon et ne songeait point à se cacher. Il avait tort. Tant d’autres aussi innocents que lui de fait et d’intention étaient arrêtés et condamnés à un nouvel exil ! On lui fit la prison rude ! on l’isola, on ne permit pas à sa femme et à ses enfants de le voir, pas même de lui faire passer des vêtements. Il resta un