Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/38

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nous ; comment serions-nous musiciens, comment serions-nous artistes et poëtes, quand les coryphées de nos villes sont des prêtres ou des soldats, quand la bénédiction des cathédrales ressemble à un tocsin d’alarme, et quand les joies publiques s’expriment par les brutales explosions de la poudre ? Du bruit, quelque chose qui, de la part de Dieu ou des hommes, ressemble à la menace d’un Dies irae. Pourquoi le brutal courroux des beffrois ? Ce jour de fête religieuse annonce-t-il le jugement dernier ? Avons-nous tous péché si horriblement qu’il nous faille entendre éclater la fanfare discordante des démons prêts à s’emparer de nous ? — Mais non, ce n’est rien, ce sont les vêpres qui sonnent. C’est comme cela que l’on prie Dieu ; ce tam-tam sinistre, c’est la manière de le bénir. Ô sauvages que nous sommes !

Vous voyez bien qu’il faut que vous chantiez toujours, par-dessus ces voix du bronze qui veulent nous rendre sourds, nous et nos enfants, et il faut que nous écoutions en nous-mêmes l’harmonie de vos vers qui nous rappelle celle des bois, des eaux, des brises, et tout ce qui célèbre et bénit dignement l’auteur du vrai. Ce sera là notre chanson des rues, celle qu’en dépit