Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/39

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du morne hiver qui arrive et des mornes idées qui menacent, nous chanterons en nous-mêmes pour nous délivrer des paroles de mort qui planent sur nos toits éplorés.

Et je revenais seul au clair de la lune par le Panthéon silencieux. La brume avait tout envahi, mais la lune, perçant ce voile argenté, enlevait de pâles lumières sur le fronton et sur le dôme qui paraissait énorme et comme bâti dans les nuages. La place était déserte, et le monument, qui n’aura jamais l’aspect d’une église, quoi qu’on fasse, était beau de sérénité avec ses grands murs froids et sa coupole perdue dans les hautes régions. Je sentis ma tristesse s’agrandir et s’élever. Ce colosse d’architecture n’est rien, en somme, qu’un tombeau voté aux grands hommes, et il faudra qu’il se rouvre un jour pour recevoir leur cendre ou leur effigie. Mais je ne pensais pas aux morts en contemplant cette tombe. J’avais lu vos radieux poëmes sur la vie, et la vie m’apparaissait impassiblement éternelle en dépit de nos simulacres d’éternelle séparation.

Pourquoi des sépultures et des hypogées ? me disais-je. Il n’y a pas de morts. Il y a des amis