Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/126

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pendant quelques années portefaix sur le port à Toulon, homme de peine, comme on dit, expression douloureuse qui peint de reste une existence dure et sombre. On ne sait pas combien la force physique est un don fatal et périlleux. L’homme exploite tout, et la vigueur exceptionnelle d’Hilarion l’exposait à tous les genres d’exploitation. Il fut tâté par les voleurs et presque embauché à son insu pour des tentatives de meurtre. Éclairé à temps, il devint définitivement d’une défiance extrême, prit les malfaiteurs en exécration et en vit volontiers partout ; sa misanthropie en augmenta, et, comme, au milieu de la fatigue et de la tristesse, il réfléchissait plus qu’il n’appartenait à sa misérable condition, il devint une sorte de Diogène. Seul dans la vie, il se fît encore plus seul par ses habitudes et ses pensées.

Très-désintéressé, très-insouciant du lendemain, très-indifférent pour lui-même, il ne tira parti de rien, pas même de ses belles actions. Il se distingua dans plusieurs sauvetages et fut plusieurs fois médaillé, mais sans songer à demander aucun secours, sans vouloir faire partie d’aucune association, sans consentir au moindre remercîment. Il