Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/127

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avait coutume de dire que, n’aimant pas le genre humain, il n’exposait sa vie que pour le plaisir d’essayer ses muscles et d’exercer son coup d’œil. Quelques personnes du Midi, qui plus tard l’ont retrouvé dans la civilisation, se sont rappelé l’étrange et farouche personnage qu’elles avaient vu portefaix à Toulon, et qu’elles avaient même employé par curiosité de son caractère. Silencieux, absorbé, hautain, il avait toujours l’œil défiant et dur, la parole acerbe, volontiers injurieuse et toujours cynique, le geste provocateur, et tout à coup un calme dédaigneux succédait à la menace. Tout lui était sujet d’irritation, et presque aussitôt objet de mépris ou d’indifférence.

Un beau jour, il rencontra un enfant complètement abandonné qui s’attacha à lui. C’était un assez joli petit garçon, très-pusillanime, que la rébarbative figure d’Hilarion n’effraya pourtant pas. Touché de cette preuve de confiance ou frappé de cette bizarrerie, il emmena l’enfant dans son bouge, le nourrit et l’éleva à sa manière, mais sans réussir le moins du monde à modifier ses instincts de paresse, de couardise et de gloriole. Cet être faible et vain, qui n’était autre que le jeune premier Léonce,