Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/130

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sautant à terre, vit que son sauveur avait une main déchirée par l’effort inouï qu’il venait de faire au risque d’être emporté aussi dans la chute.

Ainsi commença leur amitié. Ils voyagèrent ensemble jusqu’à Lyon, et le lutteur, pressé de questions, raconta son histoire. La modestie farouche avec laquelle il parla des actions héroïques de sa vie, ce je ne sais quoi de grand et de trivial qui, à chaque mot, révélait son noble et maussade caractère, frappa vivement l’artiste.

La fantaisie de Bellamare était de découvrir et de perfectionner des types ; il s’imagina, non sans raison, qu’un homme si solide à la fatigue, si résigné à toutes les éventualités, si ferme et si fier, si méfiant et si incorruptible, serait pour lui et sa troupe un factotum précieux. Coq-en-Bois, — disons maintenant Moranbois, car la première chose que fit Bellamare fut de lui trouver un nom sortable dont l’euphonisme ne fût pas trop neuf pour ses oreilles, — Moranbois n’avait qu’un défaut réellement insupportable, la grossièreté de son langage. Il promit de s’en corriger et ne put jamais tenir parole, mais il déploya au service de Bellamare tant de qualités essentielles, probité, dévouement,