Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/145

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habituellement mélancolique. Il se sentait fait pour une plus haute expression de son intelligence que le récitage des rôles. Il écrivait des pièces que nous jouions quelquefois et qui n’étaient pas sans mérite ; mais une timidité pour ainsi dire bilieuse, une méfiance de lui-même qui allait jusqu’à l’inertie, l’empêchaient de se produire. Il était fils de famille, et il avait fait de bonnes études. Une discussion avec ses parents l’avait jeté sur le théâtre. Il y était très-aimé, très-utile et très-estimé ; cependant il ne se trouvait heureux nulle part et vivait replié sur lui-même. J’ai travaillé à conquérir son amitié, je l’ai obtenue, j’ignore si je l’ai conservée.

Mademoiselle Régine, qui avait rempli de temps en temps les seconds et troisièmes rôles à l’Odéon, était des nôtres et tenait les premiers emplois en province. Elle était Phèdre, Athalie, Clytemnestre. Elle n’était ni belle ni jeune, grasseyait un peu trop et manquait de noblesse ; mais elle avait du feu, de l’audace, et enlevait les applaudissements à la force du poignet. C’était une très-bonne personne, d’une moralité assez médiocre, d’un cœur généreux, d’un grand appétit, d’une gaieté inta-