Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/186

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tion. — Chose plus étrange encore, je jouai fort bien ce soir-là. J’avais, il est vrai, un bon rôle que j’avais accepté en tremblant, et que je remplis à la satisfaction de tous. Je me sentais élevé au-dessus de moi-même par ma confiance en moi comme homme, et j’oubliai de douter de moi comme artiste. J’eus même un très-beau moment dans la pièce, et je fus applaudi pour la première et la dernière fois de ma vie. L’excellent Bellamare m’embrassa en pleurant de joie sitôt que le rideau fut tombé ; Impéria me serra les mains avec effusion.

— Allons, belle princesse, dit une voix rauque sortant de derrière moi, embrasse-le aussi, si tu as un peu plus de cœur qu’une cigale.

À cette agréable interpellation de Moranbois, Impéria sourit et me tendit sa joue en disant :

— Si c’est une récompense, qu’il la prenne !

Je l’embrassai avec trop de trouble pour en ressentir du plaisir ; mon cœur m’étouffait. Moranbois me frappa sur l’épaule en me disant à l’oreille :

— Chevalier du beau sexe, on t’attend !

Comment savait-il mon affaire, que j’avais cachée avec le plus grand soin ? Je l’ignore, mais son avertissement me fit bondir de joie. Mes lèvres ve-