Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/239

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En ce moment, Impéria sortait de sa chambre, portant son petit sac de nuit en moquette fanée et usée, et rassemblant les plis de son mince manteau de voyage pour dissimuler sa robe craquée aux entournures. Le contraste de cette pudique misère avec l’opulence de la dame entrevue à travers les riches dentelles me saisit comme une révélation de mon propre instinct. Étais-je ambitieux ? Étais-je sensible au prestige du luxe, si chatoyant aux yeux qui n’y sont pas habitués ? La pauvreté me répugnait-elle ? Pouvais-je entrevoir par l’imagination une jouissance de la richesse capable de me faire oublier l’image chérie de ma petite camarade ? Mon âme me cria non de toutes ses forces et avec toute sa spontanéité.

— Eh bien, reprit à voix basse Bellamare, je te demande si ton cœur est libre ? Es-tu sourd ?

— Ma foi, répondis-je tout bas, madame la comtesse est trop curieuse.

Bellamare me prit par le bras, m’éloigna d’Impéria de deux ou trois pas, et me dit :

— Si tu songes à celle-ci, tu ne peux pas songer à l’autre ?

Je n’osai livrer mon secret à Bellamare. J’avais