Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/299

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sérénité de caractère de mademoiselle de Valclos, qui ne s’étaient pas démenties un seul instant au milieu des revers, des contrariétés, des fatigues et des accidents inévitables du voyage, m’avaient insensiblement inoculé ce calme et tendre respect qu’elles inspiraient à Bellamare, sans éveiller en lui le moindre rêve de sensualité. Bellamare était pourtant, non pas libertin, mais ardent au plaisir. Il ne connaissait pas de sentiment mixte entre le désir sans affection et l’affection sans désir. Il pouvait faire encore des folies pour une femme convoitée ; satisfait, il ne faisait plus de sottises et la quittait avec de bons procédés, mais sans aucun regret. Cet homme, si heureux par son caractère et si séduisant par sa bonté, exerçait sur mon esprit une grande influence. J’aurais voulu voir et sentir comme lui. Je m’efforçais de l’imiter dans ses écarts et dans sa sagesse ; mais, là où il trouvait le calme, le rassérénement des facultés après l’exfogation[1] des instincts, je ne trouvais que la

  1. J’ai retenu ce mot du récit de Laurence, parce qu’il m’a frappé. Je ne le crois pas français, mais je désirerais qu’il le fût. C’était sans doute de la part de mon narrateur un souvenir de l’Italie, où le verbe sfogarsi, admirablement expressif, n’a pas d’équivalent dans notre langue.